Nous ne sommes pas purs esprits !
Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord rappeler que l’être humain n’est pas un pur esprit. Certes, il est créé à l’image de Dieu, fait pour le bonheur éternel, qui n’est pas satisfaction des besoins matériels et corporels, que nous savons identifier pendant la vie terrestre. L’amour divin comble chaque personne sauvée dans ce à quoi elle aspire de plus essentiel. Il n’empêche que, dans son cheminement terrestre, l’être humain est, selon l’expression de St Paul, corps, âme (sensible) et esprit doué de libre arbitre. Et comme l’écrit le même St Paul aux Ephésiens (5, 29) : « nul n’a haï sa propre chair ; on la nourrit et on en prend bien soin. » Enfin l’homme est un être social, agissant avec les autres, les rencontrant, construisant avec eux le bien commun. Tout ceci pour dire que, si l’essentiel reste le royaume des Cieux, celui-ci est commencé dès ici bas et que nous participons à son établissement par une action quotidienne dont l’efficacité, l’opposé du gaspillage, dépend de notre organisation, de notre équilibre physique et psychique, de nos bonnes relations avec les autres.
Ordre et créativité
L’ordre est incontestablement utile pour ne pas égarer les objets ou les documents nécessaires au travail, pour les retrouver aisément sans perdre de temps et sans en faire perdre aux autres. On peut d’ailleurs facilement comprendre qu’il peut y avoir des logiques de rangement et d’organisation différentes suivant les formes d’intelligence. De ce fait, pour nos affaires personnelles, nous pouvons utiliser une méthode de rangement ou de classement dans laquelle une autre personne aurait de la peine à s’y retrouver. Du moment qu’elle nous convient et qu’elle allie pour nous confort et efficacité, aucune raison d’en changer. Dans une organisation commune à plusieurs personnes, il faut accepter que l’ordre du groupe ne soit pas forcément celui que nous aurions préconisé. Si des modifications sont négociables, on peut alors proposer des variantes, qui seront ou non acceptées. Quand l’organisation est une fois pour toutes décidée, il faut la respecter et ne pas créer le désordre. Il est évident que l’ordre garde toute son utilité, s’il ne tombe pas dans un excès de formalisme, touchant au détail ou à l’exception. On pourrait alors constater que le respect d’un tel ordre, relevant de la maniaquerie, interdisant l’initiative et la moindre créativité, conduirait à une excessive consommation de temps pour le maintenir et à une irritation croissante des personnes, devenues esclaves d’un ordre tyrannique.
Le mythe coûteux de la propreté infinie
On peut appliquer le même raisonnement au problème de la propreté. En soi la propreté est un bien puisque la saleté est contraire à l’hygiène, à la santé des corps…et au confort de l’odorat, de soi et des autres. Mais la propreté absolue est un mythe. La propreté se définit, en quelque sorte, par l’élimination des agents inertes ou vivants, qui peuvent la compromettre. Cette élimination est approximative puisqu’il faudrait pour en avoir une idée exacte avoir des appareils de mesure adéquats et connaître leur précision. Il serait facile de montrer que la propreté parfaite a, en ce monde, un coût infini, donc insupportable. Au passage, notons que le problème de la sécurité est du même ordre, que la sécurité absolue a un coût infini et que le principe de précaution peut conduire à des absurdités coûteuses et paralysantes. On sait qu’il y a des personnes, qui sont maniaques de la propreté, au sens étymologique du mot mania, qui signifie folie. Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) peuvent conduire tel ou tel à se relaver les mains sans arrêt ou à nettoyer en permanence des revêtements avec des produits, dont l’innocuité, à dose répétée, est tout à fait illusoire.
Les idoles du perfectionnisme
Au fond, si l’amélioration de l’efficacité, du confort, de l’hygiène, de la sécurité, est toujours à rechercher, tant qu’elle ne nuit pas par ses excès ou ses délires, le perfectionnisme peut être un signe d’orgueil, de peur, de manque de confiance en Dieu, en l’autre, en soi même. La perfection n’est pas de ce monde : vive l’ordre et la propreté, à condition qu’ils ne deviennent pas des idoles.
Patience et persévérance
Ajoutons pour terminer que le goût et le sens de l’ordre et de la propreté relèvent à la fois de l’inné et de l’acquis. Il y a des enfants que l’on n’a aucune peine à élever dans ces domaines et d’autres pour lesquels l’éducation est une tâche sans cesse remise sur le métier. Quant aux adolescents, s’ils sont en phase « veau », tout effort leur pèse et, s’ils sont en phase « tigre », tout commandement les insupporte ! La patience et la persévérance sont donc bien des vertus propres aux éducateurs. cf L’enfant et les charges familiales quotidiennes.
P. Y. Bonnet