Gourmandise et compensation.

Mon fils de 14 ans vole de la nourriture pour manger dans sa chambre. Que faire ? Il a des comportements compulsifs avec la nourriture, il grossit, cela devient inquiétant, quelles solutions?

Un authentique gourmand ?

Avant d’agir, il faut essayer de comprendre ce qui se passe. Certes, il est tout à fait possible qu’il s’agisse d’un authentique gourmand. Ce plaisir, plus délicieux pour certains que pour d’autres, est chez lui très vif, il a beaucoup de mal à y résister. Le souvenir qu’il en a (ah ! la mémoire du corps !) l’envahit mais il sait très bien qu’il ne pourrait justifier une demande officielle à l’autorité familiale ! Alors il vole. Point de repère pour les parents, il ne vole que des choses vraiment bonnes, que ce soit desserts et friandises sucrées ou des restes d’un plat cuisiné qu’il a particulièrement apprécié. Le chapardage est fréquent chez les petits avant l’âge de raison et on y remédie par des sanctions pour imprimer le respect de la « loi ». A l’adolescence, un tel attachement au plaisir (conduisant à dérober) mérite attention et action spirituelle encore plus que morale. cf La gourmandise est-elle un péché ? Mettre, comme dit Saint Paul, la chair avant l’Esprit fait qu’on récolte la corruption et on ne sait jusqu’où cela peut mener. Quand au chapardage, comme dit le proverbe, « qui vole un œuf, vole un bœuf ».

Il a besoin de calories ?

Mais cette hypothèse d’une gourmandise consciente n’est que l’une des trois à envisager. La seconde, c’est qu’il a réellement besoin de beaucoup plus de calories que vous l’imaginez. Vos rations familiales sont peut-être normales pour un enfant ou un adulte mais pas pour votre adolescent en phase de croissance. La nature est bien faite et elle incite souvent à stocker quelques réserves avant de les consommer rapidement dans le développement du corps, qui peut être impressionnant chez les jeunes garçons ! Attention également à ce que les modes diététiques n’imposent pas des normes absurdes, inadaptées aux besoins réels. Je connais des mamans filiformes qui font crever de faim leurs adolescents : dès lors ceux-ci vont chez les copains refaire le « plein » ou parfois chapardent. Ce n’est pas du vol de leur part, c’est de l’inconscience chez les parents. Point de repère, ce détournement de nourriture ne concerne pas particulièrement des gourmandises, comme on dit, mais tout ce qui sert à construire des os, des muscles… et une bonne mécanique cérébrale. Si vous ajoutez à cela que votre adolescent a besoin de se dépenser et qu’il fait du sport, ne vous étonnez pas qu’il dévore surtout s’il a une grosse charpente et une musculature respectable.

Une compensation ?

Troisième hypothèse mais non la moindre. Comme on dit, il « compense » ! Cette irrépressible envie de manger ne vient pas d’un besoin objectif de nourriture, elle provient d’un besoin subjectif, d’un manque affectif, celui peut-être réel de deux manières : ou il n’est pas vraiment aimé (et cela arrive) ou il est vraiment aimé mais il ne le perçoit pas. Pour ce dernier cas, encore deux possibilités : ou on ne le lui témoigne pas assez cet amour par des gestes, des paroles, des sourires ou il est rongé par la jalousie. La jalousie est une « écharde dans le cœur », qui fait croire que l’on n’est pas aimé quand on voit celui dont on attend l’amour… témoigner à un autre cet amour que l’on voudrait exclusif. cf Comment lutter contre la jalousie ? 

Pour l’aider, il est important de l’aider à trouver le  » point de compensation » : quelle est l’épreuve, le malentendu, l’événement dominant souvent d’ordre affectif comme nous le disions qui déclenche la compensation. Lorsqu’une compensation est  » démasquée », il n’est pas rare que les symptômes disparaissent simultanément. Après coup, il est facile de dire :  » ah, c’était cela! », mais sur le moment, l’aide d’un professionnel ( psychologue, psychothérapeute) est indispensable car extérieure, et donc plus apte à voir objectivement.

S’il s’agit d’une angoisse diffuse, c’est une autre « écharde dans l’âme sensible », peut-être un désir abusif de perfection, une peur de ne pas être à la hauteur d’une tâche, d’une mission, d’une vocation, de son avenir, que sais-je encore, toute forme de stress, grand déclencheur de compensation. Que les parents s’examinent aussi concernant la « pression » qu’ils font subir à leurs enfants et les comparaisons qu’ils leur infligent. Besoin calorique, psychologique, spirituel, un peu de chaque peut-être : avant de parler de vol, observez, dialoguez et ensuite agissez.

La compensation est comme un circuit annexe de la volonté qui contourne la volonté  » consciente » en exécutant les revendications d’une volonté qui ne s’exprime pas clairement :  » Je veux manger » pour  » je veux être aimé »,  » je veux être entendu »,  » je veux me reposer »,  » je veux être le chef », etc…Redonner aussi leur sens aux évènements avec le jeune, lui expliquer les choses, sur le plan psychologique, mais aussi sur le plan spirituel, va lui permettre de reprendre le contrôle de sa volonté propre et de ne plus subir, par là même, il pourra mettre fin à la compensation grâce à une aide à tous les niveaux.

P. Y. Bonnet

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