Faute avouée est à moitié pardonnée.
Cette question peut paraître naïve, mais l’expérience montre que beaucoup de parents font, en ce domaine, preuve de naïveté. Enfant n’est pas synonyme d’innocent, ce qui ne signifie pas qu’il faille soupçonner nos enfants de perversité. Le chapitre troisième de la Genèse montre que l’Esprit du Mal utilise systématiquement le mensonge, de préférence mélangé à une part de vérité, pour tromper les humains. Depuis le péché originel, la personne humaine est atteinte d’une faiblesse de la volonté et d’un obscurcissement de la conscience. Le baptême, en nous faisant enfants de Dieu, ne supprime pas cette vulnérabilité à la tentation, même s’il procure avec les autres sacrements des grâces pour résister. En conséquence les enfants, comme nous-mêmes, sont tous pécheurs, sinon par malice du moins par faiblesse. On surprend souvent les enfants à dire des mensonges que l’on traite avec indulgence parce que l’enfant n’est pas encore tout-à-fait dans la réalité des adultes, parce que ce sont de tous petits faits sans grande conséquence, parfois aussi parce que c’est si » gros », qu’on ne peut que rire.
Il est alors éducativement très important de ne pas » laisser passer » tous ces petits mensonges et de faire entrer l’enfant dans l’aveu de la transgression de la vérité, en usant de ce bon adage » faute avouée à moitié pardonnée », car ainsi l’enfant n’entrera pas dans l’impunité du mensonge et acceptera la vérité en apprenant à la respecter.
« Le prof me persécute » ! « C’est pas moi, c’est lui! »
Or le mensonge est, pour l’enfant face aux adultes, le moyen de défense évident et immédiat, qui lui vient à l’esprit quand il se sent en position de faiblesse, quand il a transgressé un interdit, commis un méfait ou simplement détérioré quelque chose par maladresse ou ignorance. La peur est très souvent à l’origine du mensonge. Exemple raconté par un enseignant.
Celui-ci, professeur de français en début de collège, constate que les élèves n’ont pas l’habitude de former des phrases complètes avec sujet, verbe et complément. Il annonce donc clairement une règle qui devra être respectée : « Quand je pose une question, vous donnez votre réponse au sein d’une phrase correcte. Si votre réponse est juste, mais donnée sous forme d’un simple mot, vous aurez quand même zéro ». Or il se trouve qu’un élève, à la fois intelligent et désireux de faire le bras de fer avec son professeur, s’obstine à donner la réponse juste sans faire la moindre phrase. La règle est appliquée et il récolte trois zéros successifs. La maman découvre les trois zéros et interroge l’enfant qui répond : « Le prof me persécute ! ». Ce premier mensonge (il n’y a aucune persécution) s’appuie sur un mensonge par omission, puisque l’enfant s’est bien gardé de dire qu’il a transgressé une règle dûment énoncée. Règle qui méritait peut-être de plus amples explications pédagogiques, on sait qu’un enfant considère un zéro comme une sanction absolue…Mais le professeur avait ici bien pris la peine d’énoncer l’enjeu et le but de la » sanction » : l’importance de faire des phrases complètes et donc d’apprendre à s’exprimer clairement.
Le premier mobile de l’enfant était sa volonté d’affronter le professeur sur le plan de l’autorité et son deuxième mobile était la peur des réactions de son père face à trois zéros ! Autant mettre maman dans sa poche, pour qu’elle convainque le père que son fils est persécuté par un de ces enseignants incapables, comme ils le sont en majorité, bien sûr !
Concertation ! Explication. Objectivité des faits.
Mais l’affaire n’a pas tourné comme l’espérait le drôle. La mère, affolée à l’idée que son mari découvre les trois zéros, s’est précipitée au collège où elle a été reçue par le professeur principal, à la fois courtois et ferme, car il connaît son collègue et apprécie sa transparence et sa droiture. La mère, se sentant impuissante, réussit à convaincre le père de prendre le relais. Celui-ci exige de rencontrer directement le professeur de français, qui n’a d’ailleurs pas trop de mal à lui faire comprendre la manœuvre de son fils.
La confiance se donne d’emblée, mais elle peut être soumise à une nouvelle probation. Il ne faut pas confondre la peur avec la crainte respectueuse de ceux qui exercent une légitime autorité. Il est bon de faire savoir aux enfants que péché avoué est à demi pardonné. Enfin il importe de rester convaincu qu’un enfant, ça peut mentir et qu’il faut parfois enquêter pour connaître le fin mot de certaines histoires…
Il sera alors très important d’expliquer à l’enfant ce qui ne va pas dans ses petits et ses gros mensonges, écouter ses » justifications » et patiemment les réfuter quand il y a lieu, lui montrer que l’on a percé son petit jeu à jour par une concertation qui n’a pas pour but de le » coincer », mais de rétablir la vérité. Et lui proposer à nouveau une relation de confiance, qui sera soumise à la probation d’une attitude plus franche de sa part, en l’occurence, ici, la disparition des petites phrases qui accusent le professeur à tort et de l’attitude de défi à l’autorité.
Lorsque confiance et vérité vont ensemble dans l’esprit d’un enfant, il établira une bonne habitude de dialogue avec l’autorité, on pourra d’ailleurs alors lui faire confiance lorsqu’il résistera à une injustice ou maintiendra son point de vue. Un enfant qui ne ment pas aquiert en quelque sorte du poids et de la crédibilité dans les situations de conflits avec un véritable « crédit confiance » et une résistance à la pression pour le faire » changer d’avis ». S’il dit que quelque chose ne va pas, aux adultes de s’interroger aussi et de chercher la vérité!
Il arrive aussi que des éducateurs usent de leur pouvoir et du poids de l’autorité pour faire » avouer » un enfant, là aussi une enquête plus poussée montre que l’objectivité des faits doit l’emporter sur ce que l’on sait du tempérament d’un jeune. En conclusion, la vérité est la base de la relation de confiance.
P. Y. Bonnet