Parler de l’avortement sans blesser, pour aider, avec les mots de l’Eglise

Parler de l’avortement comme d’un acte homicide sur la personne à naître serait culpabilisant pour les femmes, adultes ou adolescentes. Que faut-il en penser ? souvent, on parle avec dureté, on blesse plus encore. Comment en parler avec l’esprit de l’Eglise?

Amour et vérité

Pour un catholique les choses sont claires, on ne peut séparer l’Amour de la Vérité. La vérité « libère », car elle permet de discerner le bien du mal, donc de s’engager, par amour, dans la voie du bien au lieu de devenir l’esclave du mal. Faire ce qui est juste, confère la paix de la conscience et du cœur. C’est pourquoi l’Ecriture nous apprend que « Amour et Vérité se rencontrent. Justice et paix s’embrassent. » Oser donner des notions de bien et de mal éclaire la conscience, et permet un chemin jusqu’à Dieu, grand allié de la conscience. La philosophie d’aujourd’hui s’attaque aux notions de bien et de mal moral, pour les vider de leur substance : au lieu du bien, on va parler de  » ce qui marche, ce qui fonctionne », et au lieu du mal, de ce qui n’est pas efficace. Ainsi, le bien et le mal ne sont plus affaire de conscience mais d’efficacité. Piège subtil qui va prendre toutes les apparences de la morale, du désir de faire  » du bien » mais pas le bien objectif, d’être pragmatique et efficace  » sur le moment « . La culpabilisation portera sur le fait de ne pas être efficace pour résoudre un problème humain grave, ici celui de l’avortement.

Or, de nombreux côtés, on m’écrit ou on me téléphone que dans des écoles, relevant officiellement de l’enseignement catholique, on fait appel au planning familial pour intervenir auprès des adolescents et on critique, éventuellement on rejette carrément, les intervenants formés à donner l’enseignement de l’Eglise en matière de bioéthique pour cause de « culpabilisation » intolérable de celles qui ont avorté ou seraient tentées de passer à l’acte. Cette  » culpabilisation » étant d’oser dire : c’est mal!

L’affectif dominant

Pour répondre à la question posée, plusieurs éléments se présentent à ma réflexion. Tout d’abord nous baignons dans l’affectif dominant pour lequel faire de la peine à l’autre en lui disant la vérité est une faute contre l’amour. Que l’amour authentique soit discernement du bien de l’autre et conduise à s’obliger à le dire en vérité et à le faire dans ce qui relève de la conscience individuelle ne vient plus à l’esprit de beaucoup. En outre pour le plus grand nombre, la vérité n’existe pas plus que le bien objectif : tout est subjectif et relatif. Le catholique s’oblige à dire, avec amour, qu’il y a le bien et le mal : la délicatesse vis-à-vis de l’autre ne saurait conduire à rester dans le flou, à occulter le vrai, à empêcher le discernement moral. « Est, est…non, non, tout le reste vient du Malin ».

Le traumatisme du syndrome post-avortement

En outre il ne manque pas de sociologues et de médecins, souvent agnostiques, pour témoigner que l’avortement est traumatisant pour celle qui l’a permis, souvent sous la pression de son entourage. Quant à nous les prêtres, nous voyons arriver, parfois des dizaines d’années après, des femmes encore meurtries par ce syndrome post avortement aujourd’hui bien identifié. Ne pas alerter la jeunesse sur ces dégâts est de la non assistance à personnes en danger.

Sens du péché, sentiment de culpabilité et mal objectif, culpabilisation et remords, repentir et conversion…distinguons les notions !

Enfin, notons que le terme « culpabiliser » est ambigu car il laisse une confusion entre le sens d’un acte et le sentiment qui en résulte. Le sentiment n’est pas objectif, il varie selon la personne et les circonstances, le sens de l’acte reste objectivement toujours le même.

Faut il « enfoncer » celle qui a commis un acte grave, dans un sentiment de culpabilité dont elle ne puisse sortir ? Bien sûr que non, puisque c’est justement le remord qui peut conduire au désespoir. Mais il ne faut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » et ôter le sens du péché pour éviter le sentiment de culpabilité. Tout au rebours, le sens du péché peut conduire le pécheur (pensons à l’enfant prodigue) au repentir, au retour vers le Dieu qui pardonne, et donc à la paix retrouvée, celle de la conscience et celle du cœur.

En conclusion, que les catholiques, clercs ou laïcs, se forment et se préparent pour être capables de continuer à dire, avec délicatesse mais sans équivoque, que l’avortement est un mal objectif puisqu’il met fin à une vie que le Créateur a permis, à laquelle Il a donné une âme spirituelle faite à son Image. Ils ajouteront que cet acte est traumatisant, pour celle qui l’a permis, et même…culpabilisant puisque la conscience morale est inscrite en chacun de nous. Ils rappelleront que ce Dieu fait homme, toujours prêt à pardonner, a sacralisé l’embryon en voulant s’incarner selon la nature biologique de notre race humaine, avant de donner sa vie sur la Croix pour notre salut.

 

P. Y. Bonnet
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