Le partage du travail : mythe et réalité.

Une solution?

J’ai entendu beaucoup parler à une époque de partage du travail comme d’une solution aux problèmes du chômage. Je ne suis pas certain que ceux qui en parlaient le plus n’aient été ceux qui avaient le moins à craindre de la réalisation d’une mesure politique ou contractuelle à ce sujet. Tout le monde sait bien que, en dehors d’opératios répétitives de tâches élémentaires, le travail n’est pas toujours partageable.

Souplesse du temps partiel.

En revanche, que l’on cherche à offrir de plus en plus d’emplois à temps partiels, que le travail puisse être de plus en plus exercé  » à la carte » et non  » à menu fixe », tout cela va dans le sens de la souplesse et de la flexibilité et favorise la création d’emplois. A condition de ne pas rigidifier cette souplesse par des grilles d’horaires trop contraignantes sous prétexte d’un contrôle de présence. Le problème de la comptabilité des heures des travailleurs à temps partiel devrait se résoudre en approfondissant le contrôle du résultat. Le contrôle en temps réel peut peut-être aussi bénéficier des nouvelles technologies, téléphone, webcam…

Mais quand on parle de partager le travail, on s’imagine qu’en réduire le temps créera des emplois. Que voyons-nous au bout d’un certain temps de cette expérience? A mon avis, elle relève du rêve, et l’on voit surgir les contournements multiples de cette réduction du temps de travail. Quelles en sont les raisons? Quand la réduction du temps de travail s’accompagne d’une baisse équivalente de la rémunération, on embauche dans les nouvelles conditions des salariés supplémentaires. le poids des charges aidant, on compense par des heures supplémentaires…quand on ne travaille pas au noir. Il n’y a pas globalement plus d’argent pour la consommation et l’économie du pays n’en reçoit aucun coup de fouet.

Bien sûr, si certains, peu chargés de famille, veulent travailler à temps partiel pour cultiver leur qualité de vie, et si l’organisation du travail le permet, je ne suis pas contre, bien évidemment. Mais il ne peut s’agir là de mesures générales, sinon, les familles nombreuses sont les premières affectées. Comment augmenter le salaire, si on ne peut augmenter le temps de travail proportionnellement au salaire nécessaire?

Malthus et la civilisation de mort.

Je crains que ce partage du travail, dont on commence à revenir, soit une de ces modes trompeuses singeant la charité plutôt que de la mettre en pratique. Et si on parlait plutôt du partage des ressources et de l’aide à apporter, en se privant, à ceux qui manquent cruellement du nécessaire? Et si on quittait cette mentalité malthusienne dont les développements actuels constituent cette civilisation de mort si bien analysée par Jean-Paul II et son successeur ? Relisons-donc Caritas in Veritate et les encycliques sociales qui ont précédé.

Le raisonnement de base malthusien est celui-ci :  » Grâce » à la contraception et à l’avortement, pensent les naïfs et les manipulés, il y a dans un premier temps moins d’enfants, donc moins de chômeurs potentiels. Retournons le raisonnement : il y a surtout trop peu de ménages pour consommer et très vite moins d’actifs pour payer les inactifs. Alors, quand les inactifs coûtent trop cher, on parle d’euthanasie pour régler le problème. Encore moins moins de monde à s’occuper…au lieu de créer les emplois qui s’occupent d’eux.

La non-procréation d’enfants est, dans les faits, une catastrophe économique, particulièrement en période de grande progression de la technologie et de la productivité. Le Baby-boom ( 1943-1973) fut une période de plein emploi et de progrès considérables. Aujourd’hui, le papy-boom est une période de chômage et de déliquescence annoncée des systèmes de protection sociale.

La contamination des entreprises.

Le drame est que la civilisation de mort a contaminé les grandes entreprises. Qu’on considère l’analogie : tout département en difficulté est rapidement euthanasié. On soumet les recherches à des mesures contraceptives et des projets prometteurs aux pratiques abortives. Les cadres dirigeants, soumis au terrorisme intellectuel des financiers et des contrôleurs de gestion, ne prennent plus la moindre décision à risque. La peur règne dans les états-majors, mais la bourse monte quand on annonce un plan social !

Il n’y aura plus de travail s’il n’y a plus de vie!

Une démographie vigoureuse engendre rapidement une économie dynamique : les familles nombreuses d’aujourd’hui créent les emplois de demain. Une mentalité imprégnée de vitalité et de dynamisme se répercute sur toute une société. Le travail et la vie sont étroitement liés. Il n’y aura pas de travail s’il n’y a pas de vie. L’entreprise qui fonctionne dans milieu et une mentalité de vie crée forcément des emplois.

La classe politique a misé sur le mythe du partage du travail pour créer des emplois parce qu’elle est incapble de promouvoir une politique de la famille et de la vie. Beaucoup de chrétiens ont minimisé les conséquences, prévisibles pourtant, des mesures favorisant la contraception et l’avortement. Certains ont raillé l’obstination de Jean-Paul II à mettre en garde le monde entier contre la civilisation de mort. Aujourd’hui, cette civilisation de mort est en train de tuer des pans entiers de l’économie des pays dits développés.

Une véritable conception de la spiritualité du travail, ancrée dans l’antropologie chrétienne, permettra de revivifier cette civilisation, afin d’en faire la civilisation de l’Amour. L’encyclique de Benoît XVI, Caritas in Veritate, donne des pistes à découvrir et explorer de toute urgence et à enseigner à nos jeunes afin que le travail soit pour eux un lieu positif et porteur de vie : mondialisation de la solidarité, principe de gratuité, compétence technique et cohérence morale, autant de remèdes à la civilisation de mort pour construire la Civilisation de l’Amour.

P. Y. Bonnet

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