La vertu de tempérance (maîtrise de soi) dans la vie

La maîtrise de soi, axe important de la vie d’un catholique.

D’où viennent les difficultés rencontrées par des couples catholiques avec les méthodes de régulation naturelle des naissances ? Un premier élément de réponse apparaît immédiatement : tout ce qui est exigeant est difficile et tout ce qui est difficile nécessite un entraînement, l’habitude de l’effort et donc l’acceptation de l’effort. Ce n’est pas étonnant qu’après le concile de Trente, quand la Réforme catholique a été mise en œuvre, l’école de spiritualité française ait identifié l’ascèse, la maîtrise de soi, la canalisation des pulsions et des passions, comme un des axes importants de la vie d’un fidèle catholique.
La tempérance, maîtrise de soi, vertu mal connue et pourtant si précieuse! Voici la définition qu’en donnait Jean-Paul II ( audience du 22 novembre 1978).

On ne peut être vraiment prudent, ni vraiment juste, ni vraiment fort, si l’on ne possède pas aussi la vertu de tempérance.

On peut dire que cette vertu conditionne indirectement toutes les autres vertus. Mais il faut dire aussi que toute les autres vertus sont indispensables pour que l’homme soit tempérant (ou sobre). Le terme même de tempérance semble se rapporter en quelque sorte à ce qui est hors de l’homme.

En effet, est tempérant, dit-on, celui qui n’abuse pas de nourriture, de boisson, de plaisirs, celui qui ne boit pas trop d’alcool, qui ne laisse pas sa conscience s’anéantir par la drogue, etc. Cette référence à des éléments extérieurs à l’homme a son fondement dans l’homme.

C’est comme si en chacun de nous existait un moi supérieur et un moi inférieur. Dans notre moi inférieur s’exprime notre corps et tout ce qui lui appartient : ses besoins, ses désirs, ses passions, celles des sens avant tout. La vertu de tempérance permet à chaque homme de faire triompher son moi supérieur sur son moi inférieur.Est-ce là une humiliation de notre corps ? Une diminution ? Non, au contraire ! Cette maîtrise met en valeur le corps. La vertu de tempérance fait en sorte que le corps et nos sens trouvent la juste place qui leur revient dans notre être humain. Possède la vertu de tempérance celui qui sait se maîtriser, celui qui ne permet pas à ses passions de l’emporter sur la raison, sur la volonté et aussi sur le coeur. L’homme qui sait se maîtriser ! S’il en est ainsi, il est facile de comprendre la valeur fondamentale et le caractère indispensable de la vertu de tempérance. Oui, elle est indispensable pour que l’homme soit pleinement homme.

La grâce ne fait pas l’économie de la nature et donc de la maîtrise de soi.

Certes, ce qui est premier, c’est de contempler l’humanité du Christ, de désirer de toutes ses forces Le suivre et L’imiter, et d’en prendre les moyens, prière et sacrements, tendre dévotion à la Vierge Marie. Mais la grâce ne fait pas l’économie de la nature et, conséquence de la rupture originelle avec Dieu, la nature est faible. La sensualité, sous toutes ses formes, est un point de fragilité et l’esprit du mal, qui le sait bien, ne néglige jamais de nous attaquer en ce domaine. L’ascèse est donc « réalistement » un domaine important de l’éducation. Attention, il ne s’agit ni d’un refoulement, ni d’un mépris orgueilleux du corps, ni d’un volontarisme qui ne soit pas finalisé par l’amour de Dieu et du prochain. Continuons d’écouter Jean-Paul II à ce sujet :

Il suffit de regarder celui qui se laisse entraîner par ses passions et en devient la victime, renonçant de lui-même à l’usage de la raison pour comprendre clairement qu’être homme c’est respecter sa propre dignité et donc, se laisser guider par la vertu de tempérance. Cette vertu est appelée aussi sobriété. C’est juste !

En effet, pour être en mesure de maîtriser nos passions, la convoitise de la chair, les explosions de la sensualité etc., nous ne devons pas aller au-delà des justes limites imposées à nous-mêmes et à notre moi inférieur.

Si nous ne respectons pas ces justes limites, nous ne serons pas à même de nous dominer.

A ne pas confondre avec le stoïcisme d’un bout de bois, ni avec les techniques orientales!

Si on confond cette vertu de maîtrise de soi avec l’insensibilité, ou un contrôle basé sur des techniques sans lien avec la vertu morale et la considération d’autrui, on risque l’orgueil…et la chute. Une maîtrise volontariste n’est pas chrétienne, quand elle cède, elle entraîne à des chutes plus terribles et à des humiliations proportionnelles à l’illusion et à l’image fausse qu’on peut entretenir de soi-même!

Il me paraît évident que cette question concerne tout particulièrement l’éducation des garçons. Il s’agit bien de donner le goût de la chasteté, le désir de la pureté et d’aider les garçons, à la période des transformations du corps, à ne pas tomber dans l’habitude de la masturbation. Car on sait très bien que cette habitude débouchera soit sur des liaisons féminines avant le mariage, soit sur des exigences abusives dans le mariage dans le cas où le jeune homme s’est interdit d’avoir des relations sexuelles avec des femmes avant le mariage. Une éducation faite d’explications, de connaissances des phénomènes psychologiques liés à une libido trop entretenue ( dépendance, perte de la volonté) sera plus efficace que les tabous imposés vite balayés par la vie moderne! Une bonne et réaliste connaissance de soi et une éducation sexuelle orientant vers la beauté, le respect, le sens de l’amour humain aideront bien plus que de s’imposer des techniques de concentration et de respiration orientale pour se donner l’illusion de maîtriser la situation…

« Cela ne veut pas dire que l’homme vertueux ne puisse pas être spontané, ne puisse pas exprimer sa joie, ne puisse pas pleurer, ni exprimer ses propres sentiments; cela ne veut pas dire qu’il doive devenir insensible, indifférent, comme un bloc de glace ou de pierre.

Non, en aucune manière ! Il suffit de penser à Jésus pour s’en convaincre. La morale chrétienne ne s’est jamais identifiée avec le stoïcisme.

Au contraire, si l’on considère toute la richesse des sentiments dont chaque homme est capable – chacun de manière différente d’ailleurs : l’homme à sa façon, la femme à la sienne – , il faut reconnaître que l’homme ne peut atteindre cette spontanéité adulte, que par un travail incessant sur lui-même, en contrôlant tout son comportement.

C’est cela la vertu de tempérance, de sobriété. »

 
Fêtards ou êtres humains en quête de beauté intérieure et extérieure?

On sait bien que le plaisir masculin est facile à obtenir et qu’il procure, outre un plaisir violent, une détente nerveuse, un apaisement des tensions causées par le stress et la vie professionnelle entre autres. De ce fait, dans les ménages catholiques, beaucoup d’hommes ont été mal préparés à la maîtrise de leur sensualité. De nombreux ouvrages dans ce domaine, des formations et des sessions ( les chrétiens ne sont pas en reste malgré l’image de  » coincés » qu’on veut absolument leur donner!), le recours aux psychologues si nécessaire, permettent aux couples de mieux se comprendre et s’accorder dans le domaine de la vie sexuelle, dans une meilleure communication et une meilleure connaissance du corps, du psychisme, de la relation et des différences affectives hommes-femmes.

À mon avis, le problème posé touche prioritairement l’homme. Il faut mettre de l’ordre dans sa personne, le spirituel au premier plan, l’affectif non négligé au second (la sensibilité féminine le demande) et une attention vigilante au corps au troisième. Le sport, l’exercice physique, procure une détente nerveuse, un apaisement, à ne pas négliger s’il est bien géré. La modération en ce qui concerne la table est nécessaire, car une sensualité en appelle une autre. Nous vivons dans une ambiance de recherche permanente de plaisir, de loisirs, de fête (au sens des fêtards) et le sexe masculin est plus vulnérable que le féminin à ce laxisme. Le dicton « Il faut bien que jeunesse se passe » est à proscrire. Je forme le vœu pour que les pères forment vraiment leurs garçons à leur future vie d’hommes. Cela leur sera utile aussi bien dans leur vie de couple que dans le célibat, la vie religieuse, le sacerdoce. Mais il sera toujours nécessaire d’aller plus loin, et encore une fois nous citons Jean-Paul II, comme non pas une conclusion, mais une ouverture sur la perspective chrétienne de l’amour humain.
Beauté intérieure d’abord, sans cela tous les efforts extérieurs seront vains.

Je crois que cette vertu exige aussi de notre part l’humilité devant les dons que Dieu a offerts à notre nature humaine. Je dirais : humilité du corps et humilité du cœur.

Cette humilité est nécessaire à l’harmonie intérieure de l’homme, à la beauté intérieure de l’homme, à la beauté intérieure de la femme.

Que chacun y réfléchisse, les jeunes surtout, et plus encore les jeunes filles…

A l’âge ou l’on tient tant à être beaux ou belles pour plaire aux autres ! N’oublions pas que l’homme doit être beau d’abord à l’intérieur. Sans cette beauté, tous les efforts entrepris pour embellir le corps ne feront ni d’elle ni de lui, une personne vraiment belle !

D’ailleurs, n’est-ce pas le corps, la santé, qui subissent des dégâts lorsque l’homme ne pratique pas la vertu de tempérance, de sobriété ?

Les statistiques et les bulletins de santé de tous les hôpitaux du monde en disent long à ce sujet ! Les médecins des centres de consultation où se rendent les époux, les fiancés et les jeunes ont une grande expérience dans ce domaine. Il est vrai que nous ne pouvons pas dire qu’une personne est tempérante ou non, exclusivement d’après sa santé psychique et physique; cependant, c’est prouvé, l’absence de cette vertu porte atteinte à la santé.

Alors, diffusons cette vertu de tempérance, ce trésor caché qui assure à l’homme et à la femme un bonheur plus sain et plus…saint!

P. Y. Bonnet

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