Des efforts, oui, mais par amour.

Pudeur de sentiments.

Quand j’étais petit, l’environnement éducatif ne faisait pas une place très grande, du moins dans son discours, à l’amour. On nous parlait beaucoup de la volonté, avec le risque, qui a largement été souligné depuis, de favoriser le culte de la volonté pour elle-même et donc de l’orgueil.
je n’ai pas souvenance d’avoir pâti de ce climat un peu austère, un peu ascétique. Tout simplement parce que mes parents me prouvaient, en permanence, par leurs actes et leurs gestes, qu’ils m’aimaient, parce que je sentais chez beaucoup de professeurs, un attachement profond à leurs élèves, et parce que ce climat d’exigences fortes n’était pas du tout dépourvu d’amour. Mais il y avait en quelque sorte une pudeur de sentiments qui régnait.

Liberté de l’effort et liberté dans l’effort.

Après cinquante années, le bilan que je fais de cette éducation est extrêmement positif. C’est une vraie chance pour toute la vie d’avoir été habitué à l’effort. C’est un acte fort de liberté : ce n’est pas l’autre qui me contraint, c’est moi qui m’oblige : je reste libre et fier de l’être. Je découvre la joie, celle d’atteindre un but difficile, celle de progresser, celle de me prouver à moi-même que je peux réussir, celle de ne rien me reprocher quand j’échoue, celle de constater que cet échec a été suivi de retombées positives.
Attention, cette capacité à prendre sur soi, à fournir un effort, doit être imprégnée de l’Evangile :  » Que votre oui soit oui, que votre non soit non ». Le risque, en effet, est de faire un effort pour faire plaisir à d’autres, ou pour se faire aimer, ou, plus grave encore, par peur de dire non. Aujourd’hui, les sciences humaines permettent de déceler ces efforts qui ne sont pas vraiment « justes » et sont des poids que l’on s’impose…rien à voir avec une volonté libre!

Eloge de l’effort.

L’effort paie toujours, s’il est tenace, persévérant. Ce qui implique bien le recours à la volonté. Comme je plains ceux qui, n’ayant jamais été éduqués à l’effort, sont passifs, dépendants, vaincus d’avance, dévalorisés à leurs propres yeux, ou craquent tout d’un coup après des succès faciles, car une difficultés est apparue et ils ne peuvent l’affronter.
A force de dénigrer la volonté et de l’opposer systématiquement à l’amour ( confondu avec le sentimentalisme), il serait judicieux de tier les conséquences des échecs des couples modernes. Je ne connais pas de couples, solides et qui ont tenu jusqu’à la disparition de l’un des deux, qui n’aient été amenés à faire quotidiennement des efforts. Des efforts par amour, bien sûr, mais qui ont mis en jeu la volonté des intéressés.

Le travail demande des efforts. Il peut favoriser aussi l’éclosion d’un amour vrai et durable.

Vous voyez où je veux en venir. Le travail demande des efforts, c’est une évidence mais qui n’est plus beaucoup vécue et supportée par une mentalité où tout doit être rapide et facile. Le professionnalisme, la compétence, l’efficaité, ne s’acquièrent pas en un jour. Le travail bien fait a exigé apprentissage, échec, remise en cause, humilité, persévérance. Le travail est une école de volonté. Les personnes au chômage trop longtemps voient s’émousser cet entraînement de la volonté dans un cercle vicieux.
Le travail peut favoriser l’éclosion d’un amour vrai. je dis bien, il  » peut », car s’il n’y a pas une éducation du coeur, le développement de la volonté peut conduire à l’orgueil.
Mais vous remarquerez qu’il en est de même de l’intelligence qui, bien orientée, devient affamée de vérité et, mal orientée, se renferme sur elle-même, conduisant à l’orgueil.

Intelligence et volonté, des outils merveilleux au service de notre coeur.

Intelligence et volonté sont des outils merveilleux que le Seigneur a mis au service de notre coeur, au sens biblique du terme, c’est-à-dire de l’âme de notre âme. La foi, nous a redit l concile Vatican II, exige l’adhésion de l’intelligence et de la volonté.
La volonté est un bel outil. Le travail n’est pas le seul moyen de le perfectionner, le sport, l’art et d’autres activités humaines y contribuent. Mais le travail a le mérite d’être nécessaire à la vie. la vie exige le travail, le travail exige l’effort, l’effort demande de la volonté, la volonté est indispensable à l’amour, et l’amour conduit au bonheur vrai et durable.
En plus, par chance, pas besoin de sortir d’une grande école pour comprendre tout cela!

P. Y. Bonnet

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