Comment pouvez-vous dire que tout est grâce? Dernière chronique du P. Y. Bonnet, décédé ce 16 mars 2018

Le père Yannik est retourné vers le Père ce vendredi 16 mars au soir. Il aimait tant saint Joseph…il le fêtera au Ciel cette année. Cette dernière chronique, rédigée juste avant qu’il ne se sache atteint d’un cancer foudroyant, était déjà une forme d’au-revoir. Nous le pleurons et le remercions pour tant de bien qu’il a fait, d’encouragements prodigués et d’amitié partagée.

 

Comment pouvez – vous dire que tout est Grâce ?
Les chrétiens sont souvent interpelés à propos de cette phrase qui fait partie de la sagesse populaire ….chrétienne.

Et de fait, il est facile de débiter la liste de tout ce qui ne va pas dans notre monde. Le premier reflexe du sage consiste à poser une question à l’interlocuteur : pouvez- vous me dire les critères de jugement dont vous vous servez pour décréter ce qui va et ce qui ne va pas dans notre bas monde ? on peut en effet évaluer l’impact d’un événement ou la valeur d’ une action de bien des façons.

Avant de porter un jugement, il faut toujours prendre le temps d’ analyser la situation, qui peut s’ avérer plus complexe qu’on ne l’imaginait.

Le deuxième réflexe consiste à faire remarquer que nous ne connaissons pas l’avenir et que l’histoire, merveilleuse rallonge à notre courte expérience de la vie, nous montre que c’ est souvent l’imprévisible qui se produit et qui infirme les pronostics optimistes ou pessimistes que nous nous étions aventurés à faire !

Et c’ est à ce niveau que s’opère une différence profonde entre l’incroyant et le chrétien. C’est bien notre Foi qui affirme à notre raison que le Dieu que nous adorons  » est  » Amour, qu’Il ne peut vouloir pour nous que le bonheur pour lequel Il nous a créés, celui d’une vie éternelle où Il nous comblera de sa tendresse infinie. Le chrétien ne méprise pas la vie terrestre mais il sait qu’elle n’ est qu’un passage pour nous conduire à la Vie Eternelle. Il dépend de nous qu’elle nous permette d’accéder à ce Bonheur que, seul, notre Dieu peut nous donner et pour lequel Il s’ est fait homme, allant jusqu’à mourir sur une Croix par pur Amour.

Dans cette perspective, le chrétien convaincu sait bien que sa manière d’évaluer les événements diffère profondément de celle des incroyants. Autant pour ce qui concerne les actes des personnes, il est tout à fait possible de trouver des points de convergence avec les incroyants, car il y a une morale  » naturelle « , accessible à tous les hommes de bonne volonté, autant pour ce qui concerne la  » marche du monde « , c’est beaucoup plus ardu. Car, pour le croyant , l’essentiel est de parvenir à la Vie Eternelle et, de ce fait , il évalue la vie terrestre en fonction de critères religieux, c’est-à-dire de relation avec ce Dieu, qui l’aime au point d’ avoir subi volontairement une souffrance indicible pour le sauver.

Dès lors l’expression « Tout est Grâce  » prend tout son sens : Dieu qui est Amour et pour Lequel le temps n’existe pas agit en permanence pour le salut éternel de ses chères créatures. Ce salut éternel nécessite peut-être des épreuves, qu’à vue humaine nous pensons injustes, insupportables, inhumaines.

Nous oublions que Dieu sait mieux que nous tirer du Bien de ce qui est objectivement un mal : pensons aux horreurs perpétrées pendant les guerres, aux régimes politiques totalitaires et, plus proches de nous, aux horribles  » faits divers  » relatés par nos media. Nombre de drames ont paradoxalement été à l’origine de conversions humainement impensables, ce qui confirme la puissance de la Grâce divine. Je pense au procès des criminels de guerre, à Nuremberg, pendant lequel l’un d’entre eux a vécu un retournement total, approuvant sa condamnation à mort par pendaison en la considérant comme une grâce aussi merveilleuse qu’ imméritée.

La Grâce divine ne fait jamais défaut.

Père Y. Bonnet

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