Le Bien Commun (2)

Il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où il va

Mais ne faisons pas d’angélisme. Si 3000 ans et plus après la Loi donnée à Moïse, l’Eglise est obligée de définir le bien commun, but suprême, dira Léon XIII, qui donne son origine à la société humaine, c’est bien que cette société peut se structurer d’une manière qui ne respecte pas la personne humaine. En effet, dès qu’un groupement de personnes devient conséquent, il est bien obligé de se doter d’une forme ou d’une autre de gouvernement. Comme le dit le philosophe Sénèque : « Il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où il va » et, quand bien même, on sait où l’on va, comme les chemins sont multiples, il faut bien un pilote. Toute société humaine a besoin d’un gouvernement, faute de quoi par une pente bien naturelle, chacun pensera à son intérêt particulier sans se soucier de l’intérêt du groupe. Le gouvernement des hommes est donc nécessaire dans toute vie sociale, en commençant par la famille, à la fois, pour mobiliser tous les membres du groupe sur le but à atteindre, pour faire respecter à chacun les règles du jeu et pour obtenir de chacun qu’il accomplisse bien sa mission. Aristote, plus de 300 ans avant JésusChrist, écrit : chaque fois que plusieurs éléments sont ordonnés à une seule fin, on en trouve toujours un qui prend la tête et dirige. »

Anarchie, archie et hierarchie

L’éthymologie des mots nous éclaire. Anarchie veut dire absence de commandement et on sait que l’anarchie engendre la désorganisation, le désordre, l’inefficacité. La société a donc besoin d’archie, c’est-à-dire de commandement, et l’on emploie le terme de hiérarchie, ce qui en montre l’importance puisque hieros en grec signifie sacré. Sacraliser le commandement, c’est en montrer l’importance vitale pour le groupe. La mission sacrée de la hiérarchie, c’est d’apporter un plus au groupe en favorisant l’union, la bonne utilisation des talents, l’efficacité par l’organisation, bref en « élevant le groupe et chacun de ses membres. » C’est ce que l’on appelle l’autorité, puique « augeo », en latin cette fois, signifie augmenter, ajouter une valeur, et que le gouvernement qui a une réelle autorité fait progresser le groupe et chacun de ses membres. Si l’égoïsme n’existait pas, l’autorité serait reconnue sans difficulté, on dirait, ce qui arrive parfois, ce chef « fait autorité ». Mais le péché originel et ses conséquences sont une réalité et, de ce fait, l’autorité a besoin de pouvoirs et notamment le pouvoir de récompenser les mérites et celui de sanctionner les fautes. Mais qui dit faute, dit transgression d’un interdit, ce qui signifie que le responsable d’une communauté est amené à édicter des interdits, d’une façon plus générale à légiférer, puis à faire respecter la loi.

Hiérarchie et service du bien commun

Ou, si le péché originel a des conséquences sur le comportement des hommes « de la base », il en a aussi sur les hommes susceptibles d’exercer un rôle hiérarchique, d’édicter des règles du jeu, de les faire respecter. Ne nous étonnons pas, si des responsables de communauté oublient ce qu’est l’autorité vraie pour se servir, pour leur propre intérêt, des pouvoirs relatifs à leur rôle hiérarchique à moins que ce soit pour servir les intérêts d’un groupe de pression, que ce dernier soit lui-même pressé par l’intérêt économique, l’idéologie ou le désir de domination maffieuse. Dès lors, il n’y a plus d’autorité vraie parce qu’il n’y a pas service du fameux « bien commun ». les lois édictées par un gouvernement, régulièrement investi au demeurant, peuvent être injustes si elles-mêmes ne respectent pas les droits sacrés de la personne humaine faite à l’image de Dieu.

Définition du bien commun

Voilà pourquoi, depuis Léon XIII, les papes ont eu le souci de définir ce qu’est le bien commun et de rappeler ses exigences. Pie XI dans l’encyclique « Divinis Illius Magistri » de 1929 donne la définition suivante : « Le bien commun d’ordre temporel consiste dans la paix et la sécurité dont les familles et les citoyens jouissent dans l’exercice de leurs droits et en même temps dans le plus grand bien-être spirituel et matériel possible en cette vie, grâce à l’union et à la coordination des efforts de tous.» Pie XII, dix ans plus tard, précise que la prospérité matérielle n’est pas le bien suprême, que le bien commun n’est pas le produit de conceptions arbitraires mais qu’il réside dans le développement harmonieux de l’homme dans sa perfection naturelle, entendez à l’image de Dieu, et que la société humaine en est le moyen voulu par le Créateur. Une vingtaine d’années plus tard, Jean XXIII s’exprimera dans ces deux encycliques sociales, Mater et Magistra et Pacem in Terris sur le bien commun, « ensemble des conditions sociales permettant à la personne d’atteindre mieux et plus facilement son plein épanouissement. », « élément relatif à la nature humaine »,« concernant l’homme tout entier avec ses besoins tant spirituels que matériels. »

Père Y. Bonnet.

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