Cellules de la société et responsable
L’expérience nous montre que la société humaine a atteint un grand niveau de complexité. Pour faire face à tous les besoins de la personne, besoins qui se diversifient sans cesse, de nouvelles cellules de société se créent, grandissent et parfois meurent, quand le besoin, dont elles étaient l’objet, a disparu ou a été mieux pris en charge par une cellule nouvelle.
Les cellules ont entre elles des relations nombreuses, vivantes, organiques. Jean XXIII, dans Mater et Magistra, a fait le constat de cette multiplication des relations sociales dans la société moderne.
Si l’on veut que cette société complexe respecte en tout lieu et en toute circonstance les droits fondamentaux de la personne, il est clair qu’il est indispensable qu’à la tête de chacune de ces cellules de société puisse être identifié un responsable, à qui aura été confié une mission de » dire » le bien commun, d’en conduire la réalisation, d’en assumer les difficultés, voir les échecs.
Mission et hiérarchie : devoir du responsable
Cette mission est hiérarchique, au sens éthymologique du terme, c’est-à-dire que le responsable est en tête. En grec, il est celui qui est au commencement, d’où au commandement. Son rôle est sacré. Attention à bien comprendre aussi le terme » hiérarchie ». Ce qui est sacré chez le » chef », le responsable », ce n’est pas le droit ( qui lui permettrait d’obtenir la soumission des autres) mais le devoir de veiller au bien commun, au respect des droits de la personne.
Ces rôles hiérarchiques, incontournables dans toute société organisée et qui ne veut pas rester dans l’anarchie, sont en fait un service, rendu aux membres de la vie sociale et particulièrement à ceux du groupe concerné par telle oeuvre commune spécifique, par la personne qui en a accepté la responsabilité.
Dès lors, on voit que le responsable doit être capable d’autorité pour obtenir l’adhésion de personnes libres et elles-mêmes responsables de leur destin ou du destin de cellules sociales de rang moindre.
Autorité et compétence
Or, l’autorité ne se donne pas. Quand on nomme, désigne, élit, etc, un responsable hiérarchique, on ne peut en aucun cas lui conférer de manière quasi magique une autorité ; on ne constatera qu’à l’usage que le choix a été judicieux …ou regrettable. Certes, si l’impétrant a déjà officié en position de responsable, on peut présumer avec plus de chances de ne pas se tromper sur le risque de le voir » reconnu » par ses subordonnés. Mais attention au Principe de Peter qui postule qu’il finit toujours par atteindre son niveau d’incompétence !
De fait, la compétence « technique » permet de » faire autorité » dans un domaine, c’est-a-dire relativement aux choses, elle ne suffit pas pour montrer de l’autorité sur les hommes.
Incliner à choisir librement
L’autorité ne vient pas non plus des pouvoirs, qui eux peuvent être attribués à un responsable en vue d’une mission ( par exemple : recruter, disposer d’un budget, d’un système d’information, etc…) Là encore, l’expérience montre que des responsables, qui disposent non seulement d’un savoir ( qui est en quelque sorte un pouvoir) mais de moyens juridiques, financiers, humains, peuvent être incapables de diriger une communauté humaine, faute de cette précieuse autorité qui incline les subordonnés à choisir librement l’obéissance.
L’autorité est-elle donc innée ? Cette question mérite ample réflexion. L’expérience nous permet de constater que certaines personnes sont effectivement douée d’un charisme qui leur permet d’être naturellement des « leaders », mais peut-on dire d’hommes, comme Hiltler par exemple, qu’il ait eu une réelle autorité ? Non, il semble bien que ce charisme soit encore de l’ordre des pouvoirs, c’est-à-dire des moyens de l’autorité, alors que l’autorité elle-même semble liée à une capacité d’amener les hommes à adhérer librement à des fins.
L’autorité semble donc avoir une source spirituelle et morale, et non juridique, matérielle ou même psychologique. Un charisme peut donner un ascendant psychologique dont le responsable se servira pour manipuler ses subordonnés et non pour servir leur libre adhésion.
Mérites et sanctions
Ceci dit, l’autorité peut-elle être dépouillée de tout pouvoir ? ( le roi peut-il être nu ?) Ne faisons pas d’angélisme ; autant, nous le verrons, l’application judicieuse du principe de subsidiarité vise à faire en sorte que chaque responsable hiérarchique ou chaque cellule sociale ou rang élevé ne confisque pas les pouvoirs légitimes des personnes ou des groupes de rang moindre, autant il semble bien que chaque responsable hiérarchique doive disposer d’un pouvoir de » sanction », qui concerne deux processus bien distincts, qu’il ne faut pas présenter chacun comme la contre-partie de l’autre, à savoir :
a)récompenser les mérites
b)punir les fautes
Organisation sociale et principe de subsidiarité : pour que cela marche !
En résumé, la nécessité de responsable hiérarchique, le rôle de l’autorité, le problème des pouvoirs ayant été abordés, nous pouvons passer maintenant au problème de l’organisation sociale et donc du principe de subsidiarité. c’est en effet à celui qui a reçu une mission hiérarchique d’user de son autorité pour diffuser les pouvoirs le plus bas possible dans l’échelle sociale. Ce sera la suite de notre parcours.
P. Y. Bonnet